mardi 17 janvier 2012

Article 3



Apres la visite de Diana, le temps continua de passer sans changement. J'avais réussi à vendre encore une fois toute ma récolte. Et l'été finit par s’écouler, lentement, comme toutes les saisons depuis 15 ans. Et pourtant, j'avais l'impression de tout faire pour prendre mon temps dans toutes les tâches quotidiennes. 
L'avantage de travailler dans une ferme était qu'il y avait toujours quelque chose à faire. Et que ça recommençait tous les jours... Donner à manger aux animaux, nettoyer, réparer. Un jour que j'avais plus de temps que d’habitude, je m'étais mis à réparer le vieux tracteur à l'air libre. Je ne savais pas s'il durerait longtemps. Les pièces étaient sacrement usées, et même les quelques refontes de l'acier ne permettait plus de renforcer la structure.


En ville, les gens commençaient à me connaitre et à ne plus forcément chercher qui j'étais. Ils essayaient au contraire de m'approcher. Je ne recherchais pas particulièrement leur compagnie, mais je devenais un habitué.

Quand j'étais arrivé, il y a 15 ans, j'étais très vite devenu la nouveauté de la ville. Qui était celui qui s'était installé dans la vielle ferme des Kent ?

N'ayant jamais pris la peine de discuter réellement avec les habitants, le mystère continua de grandir, puis les gens finassèrent par se lasser.

Ce n'est qu'un matin, quand on vint me chercher pour aller au chevet d'une vielle femme que les spéculations reprirent.

C'était il y a 10 ans, très tôt dans la matinée une jeune femme en larmes était venue frapper à ma porte. Elle avait des grands yeux noirs en amandes, de longs cheveux bruns, lisses et soyeux. Je reconnu rapidement son ascendance.
- Monsieur Clark Kent ? dit-elle la voix tremblante.

- Oui. Dis-je en ouvrant le second battant de la porte d’entrée.

- Je suis désolée de vous déranger, dit-elle les yeux rougis et fatiguée.

- Que se passe-t-il ?

- Ma mère est très malade, et… elle… elle a demandé à vous voir.

Je savais déjà de qui il s'agissait. Alors j'avais suivi la jeune femme sans en demander davantage.

C'était étrange de découvrir la ressemblance avec des gens que j'avais connu et aimé.
Quand j’étais arrivé dans la petite chambre sombre et étouffante, une vielle femme semblait m’attendre. J’avançais à son chevet, elle se mit à me sourire, sans vraiment cesser de me fixer.

- Clark... Je suis contente de vous voir. Merci d'être venu. Dit-elle d’une voix faible.

Elle regarda sa fille en souriant, et elle la remercia chaleureusement. Je ne savais toujours pas vraiment pourquoi j'étais là, mais cette femme était la fille de mon amour de jeunesse, de mon amie d'enfance... Lana Lang. On ne pouvait pas dire qu'elle lui ressemblait. Mais sa fille qui était venue me chercher ce matin était son portrait craché. La jeune femme nous laissa seuls et ferma la porte derrière elle toujours aussi triste.

- Je suppose qu'en voyant ma fille vous avez rapidement découvert qui je suis.

Je lui fis un signe affirmatif de tête tout en lui souriant.

- Ma mère nous parlait beaucoup de vous. Mon frère porte d'ailleurs le même prénom.

- Oui, je suis au courant. Votre mère a toujours beaucoup compté pour moi.

Elle hocha simplement la tête, tout en touchant son pendentif ovale et translucide qui pendait à son cou. Ce bijou me rappelait tant de souvenir.

- Elle ne vous a jamais vraiment oublié. Mais elle était fière. Vous devez vous demander pourquoi je vous ai fait venir.

Elle toussa pendant quelques instants, et je l'aidais à se remettre droite.

- J'ai un cancer, finit-elle par dire. Hélas détecté trop tard pour que votre vaccin ne puisse me faire de l'effet.

Je l'avais vu des que j'étais entré dans la pièce, le cancer avait déjà atteint trop d'organes pour qu'elle puisse y survivre. Il ne lui restait plus beaucoup de temps.

Je hochais simplement la tête.

- Je vais mourir. Continua-t-elle. Et j'avais très envie de découvrir la personne que ma mère a toujours regretté.

- Comment avez-vous su que j'étais ici. Demandais-je

- Je vous ai vu en ville il y a quelques années, et je vous ai reconnu tout de suite.
Elle toussa une nouvelle fois et je lui tendis un verre d'eau.

- Je vous avais déjà vu une fois à l'enterrement de maman.

Quelques jours avant, elle nous avait raconté votre histoire. Plus tard, après sa mort, nous avons découvert son journal, rempli de lettres qu'elle ne vous a jamais envoyées. La toute première portait votre nom. Je pense que pour les autres, elle n'a jamais eu l'intention de vous les donner.

Elle se leva un instant, et ouvrir le tiroir de sa table de nuit. Elle en sortit un vieux journal abîmé par le temps qu'elle me tendit.

- Elle a toujours suivi votre parcours, vous savez. Superman faisait partie de notre quotidien, mais c'est seulement en lisant son journal que j'ai compris que lui et vous ne faisiez qu'un.

Quand je l'ouvris, je tombais sur une photo de nous deux. Lana et moi, nous avions 16 ou 17 ans et ce fut l'un de ses courts moments où nous avions réussi à être heureux ensemble.
- Vous étiez très beaux.

Je lui souris.
- Votre mère était une femme extraordinaire.

- Mais vous ne pouviez pas être ensemble.

- Elle fait partie de ses rares personnes à avoir façonné l'homme que je suis devenu. Votre mère a compté énormément pour moi. La perdre a été très douloureux. Mais nous savions tous les deux que nous ne pouvions pas être ensemble. Elle ne m’était pas destinée.

- Je pense qu'elle n'a jamais réellement cessé de vous attendre.
Je lui tendis le journal.
- Non, gardez-le. Dit-elle en repoussant gentiment ma main. Il contient encore trop de secrets, et je ne voudrais pas que des gens puissent découvrir qui vous êtes. Vous avez l'air d'avoir besoin de tranquillité.

Je gardais le carnet et pris sa main fraiche et faible dans la mienne. Elle se recoucha et ferma les yeux un instant.

- Merci. Dis-je simplement.

- Merci à vous d'être venu. Voir en personne un aussi grand homme que vous est un véritable honneur. J'espère qu'un jour vous retrouverez le goût de vivre… vraiment.

Je lui souris affectueusement. C'était étrange de constater que les humains comprenaient souvent mieux mes choix que des êtres extraordinaires comme Diana. Peut-être qu'un jour elle aussi comprendrait.

Quelques jours plus tard, j'assistais à son enterrement.  Et des enterrements, j'en avais trop vu, j'y avais trop souvent assisté.

J'avais fini par comprendre la vision de Cassandra qui m'avait fait si peur à l'époque.

J'avais cru être un destructeur, que j'allais tuer tout le monde. Finalement c'est simplement le temps qui avançait différemment.

En tout cas, ce fut cet événement qui réenclencha toutes les questions me concernant. Qui était cet homme étrange? Que faisait-il ici? Comment connaissait-il cette Linda Ross? Les réponses commençaient à venir, on me prenait pour le petit fils Kent. Le petit fils du célèbre journaliste du Daily Planet au temps de l'arrivée de Superman. Ces suppositions fascinaient certaines personnes. Les femmes devenaient plus entremettantes attirées par ma "mélancolie romantique" les entendais-je discuter. Les hommes se demandaient surtout comment je faisais pour abattre autant de boulot sans employés. Le bruit courait que je travaillais seul dans la ferme et que c'était toujours le calme absolu. De temps en temps, il y avait des événements étranges. Impossible à expliquer, mais la ferme de mes ancêtres était assez éloignée pour ne pas attirer l'attention.

Les ragots allaient bon train dans les petites villes, surtout s’ils concernaient des personnalités locales.

Une seule fois, une personne avait osé me poser directement la question, me demandant si j'avais connu Superman.

« Superman » ce nom ne perdait pas sa gloire, il était devenu un mythe, était-il mort? Était-il toujours vivant? Il y en avait pour tous les goûts. Personne ne savait réellement ce qui lui était arrivé. Un jour, il avait simplement disparu. Et sa légende était venue avec lui.
Certains disaient qu'il n'avait pas survécu à une de ses nombreuses missions dangereuses loin de la planète, d’autres pensaient qu'il était prisonnier quelque part et que la ligue finirait par le retrouver. D’autres encore pensaient qu’il était mort… Mais personne ne l'oubliait. Même après 15 ans, l'espoir que sa vie avait inspiré aux hommes pendant près d'un siècle restait et resterai légendaire...

Je ne pouvais pas dire que cette constatation ne me faisait pas plaisir, j'avais passé ma vie à être le héros que tout le monde attendait. Maintenant j'avais passé la main. Et Diana se débrouillait très bien. Mais personne ne m'oubliait.

Laura, la petite fille de Lana revint me voir, espérant que je comprenais sa douleur. Mais je n'étais plus capable de me lier à des gens. Elle le comprit rapidement et me laissa retourner à ma solitude.

Le temps s'écoulait donc, constant et long. Mais rien ne me ferait regarder en arrière.
(à suivre)

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